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Il y a déjà trois semaines, un "whistleblower" (lanceur d'alerte) a tiré la sonnette d'alarme en indiquant que le Président des Etats-Unis, Donald J. TRUMP, a eu un échange  inquiétant avec un leader d'un pays étranger et que cet échange pourrait atteindre à la sécurité nationale des Etats-Unis et de ses élections. 

Que s'est-il passé? 

A ce stade, nous n'en savions pas plu et étions loin de nous imaginer que cela mènerait à un "impeachment inquiry" (enquête en vue de la destitution d"un Président) lancée le 24 septembre dernier par le porte-parole de la Chambre des représentants, Nancy PELOSI. 

La procédure classique pour les lanceurs d'alerte aux Etats Unis est de donner l'information à leur hiérarchie qui la communique à la maison blanche et au staff du Président, qui eux peuvent juger s'il s'agit d'une alerte digne d'être reportée au congrès (sénat et chambre des représentants). Or cette procédure n'avait bien sûr pas été pensée dans l'hypothèse où la menace viendrait du Président lui-même. Dans un tel cas, le bon sens voudrait que le lanceur d'alerte ou sa hiérarchie donne directement l'information au congrès pour éviter de donner au suspect principal l'indice trouvé contre lui. 

Pour autant, ce n'est pas ce qui a été fait. Le lanceur d'alerte a communiqué l'information au DNI (Director of national intelligence= directeur des renseignements) qui l'a communiqué à la Maison Blanche, qui a tenté de bloquer l'alerte avant que le DNI ne la transmette officiellement au congrès malgré ces blocages.

On peut comprendre que le staff du Président se soit donné tout ce mal pour bloquer ce qui fait du Watergate une vulgaire histoire de lycée. En effet, lors d'une conférence téléphonique avec le Président Ukrainien Volodymyr ZELENSKY, Donald TRUMP a demandé à celui-ci de lancer une enquête contre Joe BIDEN, ancien Vice-président et possible adversaire en 2020 ainsi que son fils Hunter BIDEN qui travaille pour un cabinet ayant eu pour client un groupe gazier BURISMA. SI cette demande en elle-même est assez troublante car elle est illégale et inconstitutionnelle du fait qu'elle semble être un permis pour un gouvernement étranger d'intervenir dans les prochaines élections américaines. Cela est d'autant plus troublant que le Président américain bloque depuis plusieurs mois une aide militaire accordée par le congrès américain au gouvernement ukrainien dans le cadre du conflit les opposant avec les rebelles russes. De plus, le coup de téléphone a eu lieu en juillet, le lendemain du témoignage de Robert MULLER qui enquêtait sur l'interférence de la Russie sur les élections de 2016 et le rôle de Président TRUMP dans cette affaire. 

Néanmoins, TRUMP s'est défendu d'avoir eu ces intentions et a indiqué qu'il souhaitait mettre en lumière la corruption des BIDEN. La Maison blance a d'ailleurs elle-même rendu publique une retranscription de l'appel téléphonique. Cet appel n'aurait pas plus être plus troublant. TRUMP demande clairement une "faveur" au Président ukrainien et propose même que son avocat personnel Rudy GIULIANI et l'Attorney general (ministre de la justice) collaborent avec les ukrainiens pour les besoins de cette enquête. 

Le congrès s'est saisi de la plainte du whistleblower et a demandé au DNI Joseph MAGUIRE de venir témoigner devant le corps législatif. Celui-ci a défendu le whistleblower et indiqué qu'il s'agissait d'un officier expérimenté qui a fait son travail et a reporté ce qui lui semblait être une menace pour son pays. En effet, la ligne d'attaque des républicains est de dire que le lanceur d'alerte serait un pro-démocrate qui cherche à faire tomber le Président. Si tel peut ne pas être ses intentions, c'est clairement devenu celles des démocrates après avoir vu cette retranscription et la plainte du whistleblower. Le 24 septembre dernier, Nancy PELOSI, jusqu'ici assez réticente sur la destitution, a lancé une procédure officielle d'enquête en vue de la destitution du Président des Etats-Unis. 

 

Quelles sont les étapes d'une destitution? 

La procédure d'impeachment peut être lancée par le speaker (porte-parole) de la chambre des représentants lorsqu'il apparaît que le Président a commis un "high crime" (haut-crime) ou un "misdemeanor". Cette requête peut également émaner d'un vote unanime de la chambre des représentants afin de faire ouvrir l'enquête par le "judiciary committe". Il peut décider de lancer une enquête en vue de la destitution. Celle-ci peut être gérée par un comité spécial avec les moyens attribués (avocats, enquêteurs, etc) ou par le "house judiciary committee" . Nancy PELOSI a choisi ce qu'on peut appeler un "light impeachment" en confiant l'enquête à 6 comités avec à la baguette, Adam SCHIFF. 

La définition de "high crime and misdemeanors" a toujours fait débat, toutefois si on reprend l'origine de ces mots venant du parlement britannique qui l'utilisait pour démettre les monarques du trône, il s'agit d'un abus de pouvoir à grande échelle qui n'appelle pas nécessairement une violation de la loi écrite mais d'une loi morale et du sermon de protection et défense de la constitution et de la présidence ainsi que de sa morale. Alexander Hamilton, un des pères fondateurs, le décrivaient à l'époque comme un crime dû à l'attitude d'un homme public en faisant une violation de la confiance de la Nation. Nous rappelons que B. CLINTON a été destitué par la "house" en 1998 pour avoir menti sous serment concernant son aventure avec Monica LEWINSKY. 

Ainsi, si la "House" décide qu'une attitude relève d'un haut-crime, elle peut alors lancer un vote dans la chambre des représentants. Le Président est destitué si la majorité de la chambre vote en ce sens. Ensuite, le Sénat entre en jeu dans ce qui s'apparente à un procès. Le Président fait alors l'objet d'un procès mené par le Sénat afin de décider de son enlèvement de la présidence. C'est ce qu'on appelle le "removal". En d'autres termes, peu importe que la Chambre décide de destituer le Président, celui-ci ne quitte l'institution que si le Sénat vote à la majorité des 2/3 de faire appliquer la destitution décidée par le corps homologue. Il n'y a eu que trois procédures d'impeachment dans l'histoire des Etats-Unis avant celle-ci: celle de Richard NIXON en 1974, celle d'Andrew JOHNSON en 1868 et celle de Bill CLINTON en 1998. Le premier a démissionné avant que la Chambre n'ait le temps de rendre sa décision et les deux derniers ont bien été destitué par la Chambre mais le Sénat les a acquitté, la majorité pour le vote n'ayant pas été requise. 

Il faut également savoir que si le Sénat décide, malgré la destitution par la Chambre, de ne pas tenir le procès pour le "removal", il n'existe aucun mécanisme constitutionnel pouvant l'y obliger. Le process devant être lancé par le "speaker" du Sénat Mitch McCONNELL qui est un invétéré supporter de TRUMP refusant le vote de plusieurs lois dont celles sur le renfort des lois sur les armes et celle sur le renfort de la sécurité du processus électoral, il semble qu'il puisse également refuser de poursuivre la procédure. 

 

La procédure d'Impeachment, bien qu'étant légale et constitutionnelle, est avant tout politique. Elle nécessite que la majorité du pays soit acquis à la cause. C'est d'ailleurs ce qui avait fait démissionner NIXON ou qui avait fait échouer la procédure contre CLINTON. Or les républicains risqueraient gros en acceptant de destituer TRUMP. Il faudrait alors que Mike PENCE, qui n'est pas le plus charismatique, puisse porter le parti aux prochaines élections qu'ils seraient presque assurés de perdre ainsi que leurs sièges au Congrès soit parce que les américains voudraient punir tous les républicains soit parce que les supporters de TRUMP leur en voudrait. Dans les deux cas, cela semble être un risque que les Républicains, spécialement ceux au Sénat, ne seraient pas prêts à prendre. 

Cette procédure, tant attendue par les démocrates, pourrait s'avérer infructueuse mais aussi nuire au candidat démocrate qui devra représenter le parti lors des élections de Novembre 2020. La procédure de destitution et le processus électoral sont lancés. A celui qui saura faire tomber Donald TRUMP en premier !

 

S.A.A.

 

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